Café Mémoire « La mystérieuse Fontaine de Vaucluse »
58ème Café Mémoire – Une soirée dans le gouffre !
Quelle rentrée ! Longtemps hésitée… Longtemps réfléchie…mais grandement réussie !

C’est à la faveur d’une sympathique demande collective, qu’elle se fit pour le plus grand plaisir de tous.
Dans l’équipe organisatrice, chacun se languissait de pouvoir renouer avec nos habitudes d’avant la triste période de la COVID 19 qui avait mis, durant deux ans, un point d’arrêt à notre vie culturelle et à cette sympathique tradition d’un plateau-repas précédant dans une ambiance conviviale la conférence.

Pour cette rentrée, le sujet fut choisi pour faire écho et compléter la grande exposition de l’été : ˝LA SORGUE & LES HOMMES˝ qui s’était tenue de Mai à Juillet dans la cave voûtée du Château de Cambis, et qui avait rencontré un vif succès.
Ce soir, si nous reprenions le chemin qui mène à Fontaine de Vaucluse, ce n’était pas en suivant les indications des grands panneaux de l’exposition, mais en compagnie d’un guide exceptionnel, puisque nous avions la chance d’accueillir Monsieur Roland PASTOR, ancien maire du village de Fontaine, ancien enseignant de l’école, et membre de la société de spéléologie de Fontaine de Vaucluse, qui allait nous conduire dans les profondeurs de ce gouffre qui a toujours été source de fascination pour tous les plongeurs et spéléologues du monde entier.

Le menu servi à une cinquantaine de personnes avait été, comme d’habitude, choisi avec soin et les compliments reçus informellement des uns et des autres nous confortèrent dans nos choix. Après l’arrivée d’une quinzaine d’auditeurs venus se joindre à l’assistance pour la conférence, les derniers cafés furent servis et le joyeux tintamarre habituel de ces rencontres amicales s’installa tout naturellement. C’est presque à regret que le président de l’association Velleron Culture & Patrimoine dut intervenir pour présenter le conférencier de la soirée et lui laisser le micro, tandis que certains en profitaient pour consulter les quelques panneaux de l’exposition transportés dans la salle pour l’occasion.
En préambule à sa conférence, Roland PASTOR décida de nous entraîner sur tout le parcours de la Sorgue avec la projection d’un très court film réalisé par le Syndicat Mixte du Bassin des Sorgues « la Sorgue vue du ciel et sous la surface de l’eau » : un instant d’enchantement salué des applaudissements enthousiastes. (film consultable sur le site du SMBS qui œuvre pour une gestion rationnelle de l’ensemble du bassin de la Sorgue).
Puis notre conférencier revint à la source de la fontaine qui apparaît au pied d’une falaise de 240 m de hauteur sculptée par l’érosion : c’est la Vallis clausa (vallée close ou fermée, une curiosité géologique à l’origine du nom de notre département.


Le site, grandiose, a toujours exercé une grande fascination sur les visiteurs, à commencer par le plus célèbre d’entre eux, le poète italien Pétrarque, qui découvrit le lieu à 9 ans ; envoûté par ce panorama propice à la solitude et la réflexion, il vint y séjourner à maintes reprises au cours de son existence. Le musée Pétrarque, situé à l’emplacement de la maison qu’il occupa, perpétue le souvenir du poète. Par contre, l’érection en 1804, pour les 500 ans du poète, d’une colonne à l’emplacement même du cadre saisissant de la source avait été un choix malheureux, provoquant des critiques acerbes des contemporains : « une quille au milieu de la place du carrousel ». Le transfert au centre du village eut lieu en 1827, sous l’impulsion de la duchesse de Berry.

Autre émerveillement mêlé d’interrogations : le gouffre mystérieux d’où bondissent tantôt des eaux bouillonnantes à certaines périodes alors que la vasque est vide à d’autres, laissant aux petites sources latérales pérennes le soin d’alimenter la rivière toute l’année ; voilà bien de quoi donner une dimension sacrée à cette « noble fontaine » qui fut l’objet d’un culte majeur durant l’Antiquité romaine. Dès cette époque, la source de Fontaine apparaissait sur les cartes.


Le lieu alimenta l’imaginaire, et durant des siècles, on inventa des créatures fantastiques, monstrueuses ou charmeuses qui habitaient cette cavité inaccessible au commun des mortels. L’une des légendes les plus connues est celle de la Coulobre, un dragon aux yeux injectés de sang, aux griffes acérées et à la longue queue qui hantait la fontaine ; une fontaine-sculpture de la place de l’église représente Saint-Véran en train de terrasser cette bête hideuse.

Bien sûr, les hommes ont voulu savoir d’où vient cette eau si précieuse. Le mystère a été levé avec l’exploration d’un vaste plateau calcaire de 1240 km2 dans lequel s’infiltrent les eaux de pluie et de la fonte des neiges du Ventoux, des Monts de Vaucluse et de la Montagne de Lure. Ces eaux circulent verticalement et horizontalement, avec une issue unique à Fontaine de Vaucluse.

Cette exsurgence, la plus importante de France métropolitaine, est classée au cinquième rang mondial avec un débit annuel de 630 et 700 millions de mètres cubes. Elle sert de référence aux hydrogéologues : le terme de source karstique de type vauclusien est utilisé dans le monde entier pour caractériser toutes les sources dont le fonctionnement est identique à celui de Fontaine.


Ce qui reste encore mystérieux, en partie au moins, c’est la profonde cavité verticale sous la vasque : une sorte de siphon qui descend dans les entrailles de la Terre. La plongée a commencé durant la dernière partie du XIXème siècle. En 1878 Nello Ottonelli, un scaphandrier marseillais est descendu à 23 mètres de profondeur. Lourdement équipé, sans aucune autonomie, il recevait de l’air avec un système de pompe et devait être remonté avec une corde. L’épave de sa barque en métal est toujours présente dans le gouffre.

En 1947, le Commandant Cousteau fut le premier plongeur autonome à explorer le gouffre : en transportant son oxygène sur son dos. Il descendit 20 mètres plus bas qu’Ottonelli. Les risques étaient grands au moment de la remontée à la surface, en raison du phénomène car à l’’époque, on ne connaissait pas la décompression comme aujourd’hui. Cousteau revint en 1967, mais cette fois avec un appareil télécommandé qui descendit jusqu’à 108 m. Désormais, ce sont les robots qui explorent : ils éclairent, filment, prélèvent des échantillons d’eau, de sable, des galets à des fins d’analyses. En 1985, un robot se posa à 308 mètres de profondeur, le terminus du puits.

L’exploration des spéléologues s’oriente différemment. Longtemps, les spéléologues n’ont eu pour seul objectif de descendre toujours plus bas dans l’entonnoir. De nos jours, on sait que l’on ne peut s’aventurer plus loin, en raison d’un rétrécissement horizontal. Alors, les spéléologues observent les parois, les cavités, les anfractuosités de la roche pour étudier plus finement la topographie du puits et qui sait, découvrir ce que leurs prédécesseurs n’ont pas vu…Justement, ils ont fait des découvertes particulièrement intéressantes, comme une gravure d’une croix byzantine qui marquait le niveau zéro de la fontaine, avant que le bloc de roche ne se décroche et tombe dans le tunnel à 15 mètres plus bas.
Des trouvailles fabuleuses confirment que la fontaine fut, durant toute l’Antiquité romaine, un important lieu cultuel dédié à l’eau, élément essentiel à toute forme de vie sur notre terre. Les divinités de l’eau, supposées détenir le pouvoir de santé et de fécondité vœux des visiteurs, étaient vénérées par un jet de pièce rituel.

Les offrandes étaient variées : de la vaisselle, de petits bijoux, des fibules, certains à la valeur marchande très modeste, tels les clous à tête carrée. Bien sûr, les pièces de monnaie constituaient les principales offrandes. D’ailleurs, la pratique de la pièce jetée se poursuit, puisqu’il a été découvert des pièces récentes : franc, euro (« déjà bien endommagée, fait remarquer monsieur Pastor avec humour, au regard de l’état de conservation de pièces anciennes »).
C’est précisément l’équipe de Roland PASTOR et Thomas SOULARD qui a fait en 2001 d’importantes découvertes, lesquelles ont permis la remontée à la surface d’un important dépôt de pièces antiques, un véritable trésor composé de plus de 1600 pièces s’étalant du 1er siècle avant JC au Vème après JC.
Découvertes dans les anfractuosités de la paroi, la plupart de ces pièces sont en bronze, mais sont en argent et sont en or. Roland Pastor nous en dévoila quelques-unes, en précisant que ce trésor est visible au musée Pétrarque de Fontaine.

Le public attentionné toute la soirée, fit une véritable ovation à celui qui l’avait conduit à travers les méandres souterraines et mystérieuses de cette exsurgence.
Les félicitations étaient aussi adressées aux spéléologues qui osent affronter l’obscurité, l’inconnu, le froid pour faire avancer la connaissance. Le coéquipier de Roland Pastor Thomas SOULARD, présent dans la salle, reçut lui aussi la reconnaissance de l’auditoire. Puis, profitant de la remontée en surface de l’assemblée, pour ne pas faillir à la tradition, une composition florale fut remise à Madame PASTOR qui accompagnait son mari.

Le gouffre est loin d’avoir révélé tous ses secrets, et l’imagination n’en a pas fini de s’égarer dans ses ténébreuses profondeurs.
En clôture de soirée, le président Alain CAULET souhaita à tous le bonsoir, avant de rappeler le prochain rendez-vous du : Samedi 26 Novembre 2022 à 16h30 au même endroit, mais cette fois sous la houlette conjointe des associations : Velleron Culture & Patrimoine et Les Chevaliers de l’Onde, dans le cadre des Contes & Légendes de Provence, où pour rester dans un sujet aquatique, Madame Mélanie BIENFAIT viendra nous parler de : ˝L’EAU CHEZ LES ROMAINS˝
A bientôt.
Nous vous attendons nombreux. (m.K-mc.B)