Châteaux et Fortifications de Velleron
du Moyen Âge au XVIII° siècle.
Par
François Guyonnet
Directeur du Patrimoine de l’Isle sur la Sorgue
Depuis quelque temps déjà, nous avons adopté une écriture à quatre mains pour les comptes-rendus des événements qui jalonnent la vie de l’association. Nous espérons que cela vous permet d’avoir une lecture plus complète de ses activités.
C’est encore sous cette forme, que vous pouvez prendre connaissance du déroulement du dernier Café Mémoire du 25 avril qui a pour thème : « Châteaux et Fortifications de Velleron du Moyen Age au XVIII° siècle », présenté par Monsieur François Guyonnet, Directeur du Patrimoine de l’Isle sur la Sorgue.
Souhaitée plusieurs fois, cette programmation a dû être reportée, par manque de disponibilité de l’intervenant, que nous remercions bien vivement, d’avoir pu, enfin, trouver le temps de répondre à notre invitation, malgré un emploi du temps surchargé.
Alors qu’il était Attaché de Conservation du Patrimoine pour le service d’Archéologie du Département de Vaucluse, il réalisa avec l’aide des Amis du Vieux Velleron, de 2003 à 2006 une étude du centre ancien du village, de ses châteaux et des fortifications urbaines pour honorer une commande de la Mairie.
Devant un tel sujet ainsi qu’un conférencier aussi reconnu, nous ne doutons pas de la réussite de la soirée, mais sommes agréablement surpris d’accueillir autant de passionnés.
Nous avons donc le plaisir de servir 88 plateaux repas et d’accueillir plus d’une trentaine de personnes pour la conférence.
Le kir traditionnel d’accueil permet la formation de petits groupes d’habitués, et les nouveaux venus trouvent le concept peu courant et très sympathique.
Surpris par les longues tables préparées, Monsieur Guyonnet, à son arrivée, est un peu inquiet à l’idée de devoir faire sa conférence pendant le repas, mais bien vite, l’explication du déroulement de la soirée le rassure et il trouve l’idée originale et conviviale.
Comme d’habitude les plateaux repas sont appréciés, tant dans la qualité que dans la présentation. Puis Monsieur Guyonnet prend le micro après avoir été présenté à travers un Curriculum Vitae très impressionnant.
Les premiers croquis nous montrent un embryon de village que nous avons bien du mal à reconnaître comme le nôtre, puis d’autres apparaissent, montrant des découvertes et agrandissements notoires…
Mais je laisse la plume à Marie-Claude qui vous contera plus en détails la construction et l’évolution de Velleron…
Dans sa conférence « Châteaux et fortifications de Velleron du Moyen Age au XVIIIème siècle », Monsieur François Gyonnnet, directeur du patrimoine de la ville de L’Isle sur la Sorgue, est venu apporter un éclairage nouveau sur la singularité de Velleron, dont l’organisation spatiale résulte d’une histoire compliquée entre différentes autorités qui se superposaient et rivalisaient.
François Guyonnet commence par rappeler la démarche qu’il a accomplie avec les « Amis du Vieux Velleron » sur le centre ancien du village, ce travail d’enquête réalisé avec des gens qui connaissent bien le terrain, qui peuvent ouvrir des portes. Pour lui, la collaboration étroite entre des professionnels du patrimoine et des associations permet de transformer la perception de l’histoire d’un village. C’est donc pour mieux appréhender la genèse de Velleron qu’en 2003 des séries d’enquêtes ont été menées sur les fortifications et les châteaux. Le compte-rendu de ces recherches a été communiqué en 2006.
Les auditeurs, aussi bien les passionnés qui attendent une information nouvelle que ceux qui ont tout à découvrir sur le village, se plongent dans le passé avec François Guyonnet.
Notre conférencier a décidé de commencer par un rappel élémentaire, mais néanmoins nécessaire : le premier document qu’il nous montre est une carte … allemande de la Provence, car il ne faut pas oublier que durant des siècles la région, qui appartenait au comte de Toulouse, dépendait du Saint Empire Romain Germanique et non de la France !
Puis il passe à des cartes médiévales de notre « plaine du Comtat » On y voit des chapelles rurales correspondant à des domaines religieux: les prieurés; preuves à l’appui, il balaie une idée reçue encore bien ancrée dans les esprits : celle d’une plaine marécageuse réputée inhospitalière, et donc longtemps inoccupée. En réalité, la constance de l’occupation humaine entre l’Antiquité et le Moyen Age ne fait plus de doute ; la plaine était tout au plus humide. Ce renouvellement de la connaissance de l’histoire locale en surprend plus d’un.
On sait que la butte de Velleron a été occupée dès le Vème siècle av. JC. Mais qu’en est-il au début du Moyen Age ?
Sur une carte de topographie religieuse médiévale, on voit une église sur cette butte située à proximité des voies de communication datant de l’empire romain : la domitienne et ses voies perpendiculaires.
Mais il se trouve que deux prieurés se partagent l’exploitation de l’espace rural, dépendant d’abbayes différentes : Sainte Marie, appartenant à St Victor de Marseille et Saint Michel à St Estèbe de Saignon. L’habitat, situé autour de ces prieurés s’est progressivement déplacé : d’abord au Nord-Est autour de l’Eglise Saint Michel, aujourd’hui disparue, puis vers le prieuré Sainte Marie, autour de l’église actuelle, qui est devenue église Saint Michel. Etablie sur les coteaux de la butte, la population a entrepris des travaux de drainage et de mise en valeur de la plaine fertile pour une monoculture céréalière. Alors que de nombreux villages se sont groupés autour d’un château médiéval, Velleron est né dans le giron d’une église : c’est un village ecclésial.
Au XIIème siècle,le bourg ecclésial s’entoure d’une fortification : c’est aussi un « castrum », nom donné aux villages fortifiés, même s’ils n’ont pas de château.
Mais bien sûr, les abbayes ne possèdent qu’une partie de la seigneurie, laquelle appartient au seigneur. A cette époque, le Comtat Venaissin n’existe pas encore : c’est en 1274 que Velleron échoit dans l’escarcelle papale. Au XIIème siècle, notre village fait partie du marquisat de Provence, propriété du comte de Toulouse. Mais le seigneur est bien loin !
Tout change en 1232, quand Raymond VII, qui a besoin d’hommes de main pour récupérer les terres qu’il a perdues dans le conflit qui l’oppose au roi de France, décide de leur octroyer des fiefs pour s’assurer de leur fidélité. C’est à Pons d’Astoaud qu’il remet le territoire de Velleron. Le village a son premier seigneur « local » et le pouvoir laïc va désormais rivaliser avec le pouvoir religieux.
Au XIIIème siècle, la famille d’Astoaud construit une fortification nouvelle qui protège sa résidence et coupe en deux la forme circulaire initiale du village. Dans les autres villages, la construction d’un nouveau rempart correspond à l’extension du village : il faut protéger la population du « faubourg » qui, faute de place à l’intérieur de la première enceinte, s’est établie à l’extérieur. A Velleron, l’organisation est toute différente, bien compliquée: on constate un enchevêtrement des deux fortifications : la nouvelle enceinte, au lieu d’agrandir le village originel de façon concentrique, le traverse, s’appuie contre l’église St Michel, ignore toute une partie du bourg ! La famille d’Astoaud semble avoir voulu effacer le village ecclésial, symbole du pouvoir religieux. Ainsi, la recomposition de la topographie du village est révélatrice d’une reprise en main par le pouvoir laïc.
Les pérégrinations avec les AVV ont permis de comprendre l’agencement de la double enceinte. M. Guyonnet nous montre quelques traces de la fortification primitive contre laquelle des maisons sont adossées, un fragment de l’enceinte du XIIIème contre l’église. Mais il ne reste pas plus de 10% des remparts de protection de Velleron.
Au XIVème siècle, Velleron ne fait pas l’objet d’un programme de construction de nouvelles fortifications, comme c’est le cas pour les autres villes et villages de la région, en cette période de grande insécurité où des compagnies de mercenaires font des ravages lors de leur passage. Pour protéger la population, l’administration pontificale ne fait que financer des retouches opérées sur les remparts. On ne sait rien de ce que pouvaient être les tours, les portes, les échauguettes.
En 1335, le seigneur Pons d’Astoaud III divise sa seigneurie en deux pour donner la seconde partie à son fils Philippe. Désormais, Velleron devient une coseigneurie !
Velleron va donc posséder deux châteaux ! Au XVIIème siècle, les seigneuries et leurs châteaux deviendront propriétés de deux autres familles : les Crillon et les Cambis.
L’empreinte des deux châteaux de Crillon et Cambis est particulièrement importante dans le tissu urbain de Velleron. Ils occupent une surface considérable en rapport du périmètre fortifié du XIIIème siècle.
M. Guyonnet explique que le cas de coseigneurie n’est pas isolé. De plus, il se peut que d’autres petits seigneurs aient affiché leur pouvoir. Face à l’église, une tour intrigue notre conférencier : une tour résidentielle et non militaire. Elle possède un vestige d’une porte avec voussures de la fin du XIIème siècle. On ne sait à qui elle appartenait.
Elle paraît être une maison fortifiée pour sacraliser un pouvoir laïc face au pouvoir ecclésiastique. Monsieur Guyonnet nous montre un autre exemple de maison forte, aristocratique qui affiche elle aussi un pouvoir.
On n’a pas la visibilité complète des deux châteaux. Le début de la construction de Crillon remonte au XIIIème, celle de Cambis un siècle plus tard au moment de la division de la seigneurie. Mais c’est entre le XVème et le XVIIème siècle qu’ils prennent leur aspect actuel.
Modifiée au XIXème par de grandes ouvertures, la façade du château de Crillon garde son aspect d’architecture seigneuriale dans sa partie supérieure avec une remarquable qualité de construction en pierre de taille. On y voit les crénelages, les mâchicoulis, les archères, les canonnières, éléments défensifs révélateurs en réalité d’une grande défiance… à l’égard de la communauté villageoise.
L’arrière, véritable façade aristocratique, montre mieux la fonction résidentielle du château avec ses fenêtres à croisillons, tourelles, escalier à vis
La façade du château de Cambis, de style plutôt Renaissance, révèle que le XVIème siècle est l’âge d’or de cette construction. D’ailleurs, le château continue d’évoluer au XVIIème siècle avec l’installation des Cambis à Velleron. Une tour, construite, contre l’ancienne enceinte en bordure du château, a de quoi surprendre car l’artillerie lui retire toute fonction défensive. Les écuries sont également construites, aujourd’hui maisons d’habitations.
Ainsi, comme l’explique Monsieur Guyonnet, Velleron n’a jamais défrayé la chronique, et pourtant ce village ecclésial malmené par le pouvoir laïc, étonnant par son agencement, rayonnant par son riche patrimoine architectural, ne manque vraiment pas de caractère et mérite des investigations supplémentaires, archéologiques ou historiques. Au castrum de Velorgues, lui aussi village ecclésial, des fouilles commencent en juin pour comprendre le mécanisme de formation d’un village dans le giron d’une église.
Cette conférence très riche de Monsieur Guyonnet est applaudie avec enthousiasme par un public fier de son village qui aimerait bien encore questionner le conférencier sur d’autres richesses comme la Chapelle des Pénitents Gris, sur d’autres éventuelles archives à explorer…
Tout le monde a bien du mal à se séparer, continuant à converser sur le passé de Velleron jusque là, pour certains, méconnu, chacun se promettant à l’avenir, de promener un œil plus averti pour y reconnaître les traces du passé.
Nous n’en avons pas fini avec de nouvelles découvertes sur Velleron, et c’est tant mieux !
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Rappel du prochain rendez-vous avec les Amis du Vieux Velleron :
le jeudi 8 mai : fête de la fraise
Vous pourrez consulter leurs éditions, les vieilles cartes postales
ainsi que les albums de photos anciennes
toujours enrichis grâce la généreuse participation des Velleronnais.
MCB-MK