Café Mémoire du 22 octobre 2021.

57ème Café Mémoire 1er Café Mémoire de reprise « La terrible histoire des Vaudois » par Alain CAULET.
Nous nous étions quittés le 15 février 2020, après une excellente soirée où vous étiez venus nombreux, vous promener en compagnie de David ROUX dans le monde merveilleux des plantes et, avant de nous souhaiter le bonsoir, nous n’avions pas manqué de vous rappeler le calendrier prévu des soirées qui nous réuniraient trimestriellement tout au long de cette nouvelle année que nous vous avions souhaitée bonne et heureuse pour tous…
Mais malheureusement les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Alors, après un si long sommeil imposé par la pandémie, chacun semblait soulagé et heureux de voir la reprise des activités…

Comme « au temps d’avant », en guise de bienvenue, l’entrée avait été habillée d’un joli bouquet automnal. Certes -règles sanitaires obligent- aucun repas ne précéda la conférence, mais dans la préparation de cette soirée de retrouvailles, tout avait été mis en œuvre pour lui donner un air particulier de sympathique convivialité. L’espace réservé aux petites douceurs, facile d’accès, permit ainsi à chacun, de boire, selon son choix, café ou autre boisson chaude en se déplaçant facilement, sans se gêner.
L’allégresse des retrouvailles laissa vite place à une écoute très attentive du conférencier. Alain CAULET est un spécialiste de l’histoire des dissidences religieuses au sein de l’Église romaine.
Ce soir, soutenu par un diaporama savamment préparé, il nous parla de l’hérésie vaudoise, qui naquit à Lyon au XIIème siècle, se répandit dans une partie de l’Europe, et qui fut victime d’une terrible répression. Le Luberon, où de nombreux adeptes s’étaient installés, garde dans la mémoire de ses villages, l’empreinte douloureuse de terribles massacres.

Voici le résumé de cette conférence, rédigé par Alain lui-même.
« Si nombre de Vauclusiens ont entendu parler du massacre des Vaudois de Provence en 1545 grâce notamment au Centre d’Etudes Vaudoises et Historiques du Luberon à MERINDOL ou au roman historique d’Hubert LECONTE « Les Larmes du Luberon », ils sont bien moins nombreux à avoir une vue d’ensemble sur le mouvement vaudois.
L’histoire des vaudois ou « pauvres de Lyon » souvent confondus avec les cathares voire avec les habitants du Canton de Vaud sur les bords du Lac Léman commence à LYON en 1170 où vivait alors un riche notable nommé VALDENSIUS en latin (peut être VALDO mais plus probablement VAUDES pour ses voisins et amis).

Préoccupé du salut de son âme il décide un jour de suivre au pied de la lettre le conseil de Jésus au jeune homme riche : “si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres… puis viens, suis-moi”. Il fait traduire la Bible du latin en franco-provençal, la langue alors parlée à LYON comme dans tout le sud de la France puis il prend la parole sur les places, dans les rues et même dans les églises mettant en pratique les vertus apostoliques qu’il prêche. Dans un climat assez anticlérical lié aux abus d’une grande part du clergé, la doctrine de VAUDÈS fondée sur la pauvreté et le biblicisme (la vérité est dans la Bible et uniquement dans la Bible, d’où pas de culte de Marie, pas d’adoration des saints, pas de purgatoire, refus du mensonge, du serment et de la peine de mort, etc.) va rapidement faire des adeptes qui vont à leur tour porter la bonne parole. En 1179 VAUDÈS et quelques disciples se rendent à Rome et VAUDÈS obtient du Pape l’autorisation de prêcher mais uniquement oralement et avec l’autorisation de l’évêque local. De retour à LYON, VAUDÈS se heurte à l’évêque qui, craignant pour son autorité, lui interdit de prêcher. Persuadés d’avoir reçu pour mission de diffuser la parole divine, VAUDES et les Pauvres de Lyon passent outre ce qui leur vaut en 1181 d’être excommuniés par l’évêque et chassés de LYON. Les Pauvres de Lyon se répandent alors dans les provinces voisines (Bourgogne, Dauphiné, Provence, etc.) mais surtout dans le sud-ouest où ils prêchent contre les cathares.
Excommuniés par l’Église en 1184 puis frappés d’anathème en 1215, les Vaudois continuent à être écoutés et respectés par le peuple.

Tout change à partir de 1229 avec la signature par Louis IX sur le parvis de Notre Dame de Paris du traité mettant officiellement fin à la Croisade contre les Albigeois. L’Église débarrassée du problème des cathares va se consacrer aux autres hérésies, fort nombreuses à l’époque, que les tribunaux inquisitoriaux introduits en France à partir de 1233 vont rechercher et réprimer. Les Vaudois jusqu’alors respectés et écoutés deviennent des réprouvés et dans les cas les plus graves (meneurs ou relaps notamment) vont être remis au bras séculier, c’est à dire finir sur le bûcher.
Au début du XIVème siècle les procès contre les Vaudois se font bien plus rares en France car :
– d’une part les Vaudois ont appris à se cacher, vivant le jour comme leurs voisins catholiques et ne recevant leurs prédicateurs que de nuit et en cachette
– et, d’autre part, nombre d’entre eux ont fui vers l’Est : l’Autriche puis la Bohème et plus loin encore. Tous n’ont cependant pas fui aussi loin et certains se sont installés dans les Alpes Cottiennes c’est à dire la région entre EMBRUN et BRIANÇON et, sur le versant italien des Alpes du Sud, le Piémont autour de Turin et de Cuneo.
A partir du milieu du XVème siècle, les humiliations et les persécutions qui se multiplient, ajoutées à une misère croissante car l’élevage moins gourmand en main d’œuvre et bien plus rentable a pris le pas sur l’agriculture de montagne, le travail de sape de l’Église Catholique qui a fait du terme « vaudois » un synonyme de « sorcier », vont pousser les Vaudois des Alpes, comme bien d’autres migrants aussi, à se tourner vers la Provence alors dépeuplée et ruinée par la Guerre de Cent Ans, les ravages des Grandes Compagnies et les épidémies périodiques de peste noire.
Le Pape pour le Comtat puis les seigneurs de Provence, parmi lesquels Fouquet d’AGOULT, Chambellan et ami de René Ier d’Anjou, Comte de Provence (le Bon Roi René) vont s’efforcer de repeupler les villes et villages et de faire remettre en culture les terres abandonnées et retournées à la friche.
Par des contrats individuels ou collectifs, de nouveaux exploitants sont attirés par des contrats qui leur confèrent des avantages.
Les Vaudois réfugiés dans le Comtat et en Provence y font souche et, vivant dans la clandestinité pour ne recevoir les prédicateurs (les barbes) et ne pratiquer leur religion qu’à la nuit tombée et en cachette de leurs voisins catholiques, vont y prospérer pour se retrouver à la tête des plus belles terres et des plus belles têtes de bétail.
Tout change à nouveau à partir de 1530. Craignant pour l’autorité monarchique, François 1er va ordonner une enquête sur la réforme luthérienne, apparue en 1517 et qui s’est rapidement répandue grâce à l’imprimerie récemment inventée. Le Parlement d’Aix, en recherchant les luthériens, va trouver les Vaudois : ceux-ci, ont décidé au synode de Chanforan (Piémont) en 1532 d’opter pour la Réforme. Commence alors une longue suite de poursuites et de procès en hérésie, de rumeurs malveillantes et d’intrigues tant du Parlement d’Aix que des proches Conseillers de François Ier. Celui-ci prend en novembre 1540 le fameux arrêt de Mérindol, qui vise à arrêter, juger puis brûler, vifs et en public, dix-neuf habitants de Mérindol, et détruire le village. L’arrêt, un temps suspendu par François 1er en fonction des besoins de sa politique et de sa diplomatie n’est “mis à exécution qu’en avril 1545.

C’est le Premier Président du Parlement d’Aix en Provence, Jean MEYNIER, Baron d’Oppède, également Lieutenant du Gouverneur de Provence, qui dirige l’expédition.
Entre le 16 et le 22 avril 1545, les villages du Luberon connaissent une semaine sanglante faite de scènes d’horreur et d’inhumaine sauvagerie : plus de 20 villages dévastés, 3 000 personnes torturées et massacrées, 600 hommes envoyés aux Galères, nombre de femmes et d’enfants vendus.

Cette expédition punitive a un retentissement négatif en Europe. Une plainte est déposée auprès du Parlement de Provence contre les violences faites aux personnes et les saccages. Après le décès de François 1er un procès est ordonné par Henri II et ouvert devant le Parlement de Paris. Un an d’instruction de l’affaire, plus de dix jours de plaidoiries par une pléthore d’avocats, de toute cette montagne ne sortit qu’un peu de fumée et les principaux auteurs furent acquittés. Meynier d’Oppède, entre-temps élevé par le Pape à la dignité de Comte Palatin, mourut en 1558.
Quatre ans plus tard commençait la première des guerres de religion.
Les Vaudois du Piémont, protestants depuis 1532, connurent les mêmes vicissitudes que leurs homologues français pour ne retrouver la liberté de conscience qu’à partir de 1848. Contrairement à ce qui s’est passé en France, les vaudois du Piémont n’ont pas oublié leurs ancêtres et continuent à revendiquer fièrement le nom autrefois honni de Vaudois.
Le 22 juin 2015 le Pape François était dans un temple vaudois à TURIN pour demander pardon des actes et des comportements « non chrétiens » et même « non humains » commis contre les vaudois.
Ce pardon ne lui fut pas accordé :
« Nous ne pouvons pas pardonner au nom de nos mères et pères dans la foi qui ont subi des persécutions et parfois payé de leur vie leur attachement à leur confession. Mais nous nous réjouissons de votre demande de pardon qui ouvre la voie à une histoire différente dans le futur ».
Aujourd’hui encore « la lumière luit dans les ténèbres » : telle est la devise inscrite en latin sur le blason vaudois composé d’un cierge et 7 étoiles.

L’Église Évangélique Vaudoise (45 000 adeptes, dont 30 000 en Italie) est particulièrement active en matière d’enseignement et auprès des réfugiés.
Les applaudissements nourris qui saluèrent cette belle prestation, laissèrent très vite la place aux nombreuses questions auxquelles Alain Caulet ne manqua pas de répondre sans dissimuler le contentement qu’il avait de pouvoir compléter cette période de l’Histoire sur laquelle, il y avait encore tellement à dire…
Après ce voyage à travers les siècles ensanglantés de massacres, nous retrouvâmes très naturellement les traditions du XXIème siècle, que l’association aime à perpétuer en remerciant le conférencier.
Ce 22 octobre, ce sera un bouquet de fleurs, qui clôtura la soirée de ce cinquante septième Café Mémoire.
Avant de nous séparer, nous avons rappelé notre prochain rendez-vous du Samedi 13 novembre à 16h, au même endroit, où nous pourrons butiner à notre guise en entrant au cœur de la ruche avec Emile REYNIER apiculteur et ami des abeilles.
A Bientôt (mcB-mk)