40ème Café Mémoire
Vendredi 26 Février 2016
Le barrage du Lac du Paty à Caromb
(compte rendu à 4 mains)
Si nous avons quitté l’année 2015 au milieu de notre beau vignoble
français, avec « L’histoire du chasselas au Thor », (animée par Jean Ronze), nous nous nous sommes retrouvés avec plaisir ce vendredi 26 février 2016, pour accueillir Pierre Michelier et découvrir une nouvelle richesse de notre belle région.
L’histoire de la construction du barrage du Paty n’est pas toujours connue en détails. La retenue d’eau avait été créée pour les besoins de l’activité économique ; mais, les temps ont changé ; et le lac de Paty qui offre un grand attrait touristique, n’est désormais utilisé que pour les loisirs et la pêche.
Depuis quelques années, une société de pêche gère le site et permet de faire du lieu un endroit de pisciculture touristique, où chacun peut venir pêcher sans permis, (l’achat d’une carte de pêche pour la journée étant suffisant).
Il est également un lieu de promenade et de randonnées avec le passage GRP (Chemin de Grande Randonnée de Pays) et propose à travers le GR4, un parcours à travers les dentelles de Montmirail.
Mais avant le XXIème siècle … quand Caromb ne se situait pas encore en France, mais dans le Comtat Venaissin ?
Je laisse Marie-Claude S vous raconter l’histoire de la construction de ce barrage…
Monsieur MICHELIER nous précise que le barrage de Caromb est en fait appelé l’écluse du Paty, en latin aqua exclusa, c’est-à-dire eau isolée.
L’élaboration du projet d’écluse :
Il existait à Caromb une résurgence captée de type vauclusien, c’est-à-dire une mini Fontaine de Vaucluse qui faisait tourner les moulins. Leur nombre augmentant, il y avait un réel besoin d’une grande retenue d’eau pour les faire fonctionner.
En 1762, le Conseil de Communauté qui administrait le Comtat Venaissin vote la construction d’une écluse. Un premier projet présenté par l’architecte TEYSSIER est refusé. Le Vice-légat impose la venue d’un architecte de la région. Ce sera Jean-Claude MORARD, révérend père jésuite au collège d’Avignon, enseignant et astronome.
Son projet qui permet de retenir une plus grande quantité d’eau est adopté en 1763. Il faudra plusieurs enchères pour enfin désigner les entrepreneurs (un Avignonnais et un Pernois) chargés des travaux. L’écluse sera édifiée au pied d’une colline de Caromb appelée Paty.
La construction de l’écluse :
Les quatre matériaux utilisés pour la construction d’un barrage étaient : terre, argile, pierre, chaux. Trois techniques étaient possibles : le remblai, la maçonnerie ou l’association des deux. Le Père MORARD choisit cette dernière, il y aura deux murailles remplies de terre, avec à la base une galerie de drainage. Il va utiliser la pierre de Caromb, de si bonne qualité qu’elle a servi à édifier le grand escalier du Palais des Papes.
Les travaux, commencés le 1° juillet 1764, vont durer deux ans. Le barrage atteindra alors la hauteur de 17,80 mètres.
En 1773, l’écluse fuyant, des travaux permettront de relever le barrage à 21,50 mètres. C’est alors le plus haut barrage de France. Il pèse aussi lourd que la tour Eiffel, soit 10 100 tonnes.
Il a été construit comme une restanque : pierres taillées à l’extérieur, éboulis à l’intérieur à travers lequel passait l’eau qui entrait dans le mur pour s’écouler ensuite à travers le plafond crépiné de la galerie du bas. Ainsi le barrage ne risquait pas d’éclater. Le Père MORARD avait un siècle d’avance sur les autres ingénieurs.
La vie de l’écluse :
Au 19° siècle, après des années d’abandon, plusieurs projets de rehaussement sont abandonnés. Avec l’invention de la turbine, les meuniers avaient moins besoin d’eau et ne voulaient pas financer les travaux.
Au 20° siècle, le registre mondial des grands barrages classe le barrage de Caromb deuxième plus grand barrage français après celui de Saint-Ferréol desservant le Canal du Midi.
Après des années de défaut d’entretien, la mairie fait contrôler l’ouvrage.
De 1974 à 1978, le barrage étant classé en « maçonnerie », la mairie doit faire des travaux pour lui éviter de glisser sur sa base.
Dans les années 1990, la source de Lauron est utilisée pour l’irrigation. Le lac ne sert plus ni aux moulins disparus depuis longtemps, ni à l’irrigation. Il sera désormais utilisé pour des activités de tourisme et de pêche.
En 1999, le service municipal du barrage est crée. C’est lui qui assurera la surveillance et les travaux nécessaires et qui permettra de faire reconnaître que le barrage est mixte (terre et maçonnerie).
Le lac presque asséché car classé en « maçonnerie », sera remis en eau en 2004 après la visite de l’ingénieur COGUEL. Il est à noter que le temps de remplissage est de plus en plus long, sans commune mesure avec le passé. En 2008, il a fallu 1800 jours.
Les derniers grands travaux ont eu lieu en 2008 sur la galerie de la base.
Quant à l’avenir du barrage, selon Monsieur MICHELIER seules deux solutions se présentent : soit on le détruit car il deviendrait dangereux, soit on l’entretient régulièrement et c’est ce que fait le service municipal du barrage.
C’est donc, l’entretien régulier de cette construction particulière, encore unique en France, qui permet de profiter de la flore et de la faune de ce havre de fraîcheur, dont le lac reste pour les Carombais le lieu de villégiature préféré.
Bien que Monsieur Michelier nous ait livré, à travers une exposition de gravures et croquis techniques, mais aussi à l’aide d’un diaporama riche de photos, les temps forts de cette construction gigantesque, quelques questions furent encore posées, auxquelles, inépuisable sur le sujet, il répondit avec plaisir et précision.
Des applaudissements chaleureux vinrent le remercier d’avoir réussi à livrer de façon simple, et accessible, les éléments pourtant très techniques de la construction de ce barrage, qui fut longtemps un fleuron de notre construction française. Après cette rencontre, beaucoup se promirent d’aller sur place porter un regard différent sur cet ouvrage exceptionnel.
La soirée avait réuni plus d’une soixantaine de personnes autour d’un plateau repas et l’ambiance chaleureuse habituelle était au rendez-vous, les unes et les autres ravies de se retrouver après cette pause hivernale. Quelques personnes venues entendre la conférence seule, trouvèrent la formule du plateau repas fort sympathique, et se promirent de réserver la prochaine fois.
Puis, avant de se séparer le rendez-vous du prochain Café Mémoire fut annoncé :
le Vendredi 29 Avril 2016
Monsieur José de Demanldolx lèvera le voile sur un procès en sorcellerie au XVIIème siècle à Aix en Provence.
(A l’occasion de cette conférence, sera présenté le livre en bande dessinée d’Hugo Bogo, relatant cette histoire singulière).