Café Mémoire du 18 octobre 2013
L’histoire des Invalides du fort Saint André de Villeneuve lez Avignon à l’Hôtel des Invalides à Paris.
Par Madame Anne-Marie de Cockborne.
L’été indien parfois capricieux ces dernières semaines, nous gratifia, d’un temps exceptionnellement doux pour ce dernier Café Mémoire de la saison 2013 et la nature fut à notre disposition pour y puisez la décoration de la salle qui accueillait ce soir là une cinquantaine de couverts et une dizaine d’auditeurs, qui apprécièrent, café, tisane servis avec de petites douceurs, pour les faire patienter et attendre le début de la conférence.
Cette dernière rencontre avait été programmée dès le début de l’année, lorsque Anne-Marie de Cockborne, membre de l’association, avait proposé ce sujet, qu’elle connaissait bien pour y avoir beaucoup travaillé.
Ce rendez-vous avec l’histoire de France nous fit traverser le pays pour nous conter, de Paris à Villeneuve lez Avignon, (Gard) l’histoire de cette grande nouveauté humanitaire de la moitié du XVII°.
Madame de Cockborne nous a donc livré la richesse de ses recherches documentaires sur l’histoire des invalides de guerre accueillis au fort Saint André de Villeneuve-lez-Avignon, sous l’Ancien Régime. Au milieu du XVIIème siècle, il n’existe encore aucune structure pour accueillir les mutilés de guerre, de plus en plus nombreux depuis l’apparition de l’artillerie. Certains rois se sont penchés sur le sort des blessés et anciens soldats. Louis XIII a même décidé la création de l’hôpital Bicêtre. Avec Louis XIV, le problème s’intensifie, car pour devenir le roi tout puissant, à la tête d’un des plus puissants royaumes d’Europe, il engage des guerres quasiment incessantes ; et avec elles, c’est le nombre de morts et d’estropiés qui augmente : unijambistes, manchots, aveugles… Par un édit de 1670, Louis XIV décide donc de faire construire un somptueux bâtiment royal pour y loger les soldats invalides démunis ou trop âgés. En 1674 s’achèvent les travaux de l’Hôtel des Invalides, l’un des plus prestigieux monuments de la capitale, dans la plaine de Grenelle (alors faubourg de Paris). Le bâtiment fait office à la fois d’hôpital, d’hospice, de caserne et de monastère. Si le roi a la volonté d’offrir aux mutilés des jours de tranquillité, après avoir exposé leur vie au service de la grandeur de la monarchie, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit aussi de cacher la face sombre de la guerre, et de débarrasser les rues et les places d’estropiés qui viennent grossir la masse des mendiants du civil, considérée comme une menace à la sûreté publique. Très vite l’Hôtel des Invalides se remplit ; destiné à accueillir 1500 pensionnaires, il en compte rapidement 4000, puis 6000 entre 1676 et 1690. Une infirmerie emploie des médecins et chirurgiens prestigieux. Les anciens soldats sont distribués en compagnies et doivent se plier aux règles militaires et religieuses. Car le Roi n’a pas l’intention de les maintenir dans l’oisiveté : le port de l’uniforme est obligatoire, ainsi que l‘obligation de services pour les moins atteints ; ils travaillent dans des ateliers de confections d’uniformes, cordonneries, tapisseries…
Bientôt, pour soulager l’Hôtel des Invalides, le roi crée, à partir de 1690, des compagnies détachées d’invalides, certaines à Paris (Tuileries, Louvre, Bastille…) d’autres en province (dont Aigues-Mortes, Marseille, et … Villeneuve-lez-Avignon…).C’’est ainsi que des hommes, jeunes encore, sont envoyés dans des places fortes et citadelles pour y exercer multiples fonctions. Le Fort Saint André de Villeneuve-lez-Avignon, dont la construction décidée par Philippe le Bel a été mise en œuvre par Jean II le Bon au XIVème siècle, a toujours joui d’une position stratégique importante, en situation frontalière dominant le Rhône ; il devait afficher la puissance royale face aux territoires voisins, dont les états du pape. Au début du XVIIIème siècle, il est encore occupé de garnisons. En 1714-1715, il devient « succursale » des Invalides de Paris. Le premier pensionnaire invalide y est accueilli en 1716. Bientôt, un chirurgien major est nommé ; cette charge sera occupée par un membre des familles Prat et Seigneuret, originaires de Villeneuve. Les pensionnaires sont pour la plupart affectés à des opérations de surveillance, notamment la surveillance entre le Languedoc et les états du pape, et celle des prisons du fort). Lors de la Peste de 1720, ils sont même chargés de surveiller les passages afin d’empêcher la propagation de l’épidémie dans le Languedoc.
Le dernier capitaine du fort, Jean-Charles François de Thézan, reste en poste de 1767 jusqu’en 1792, durant la Révolution. D’ailleurs, une petite anecdote rappelle ce que l‘on peut considérer comme des excès des révolutionnaires : durant cette période, les vêtements des pensionnaires sont démunis de tous leurs boutons pour la simple raison qu’ils représentent la fleur de lys, symbole royal par excellence ! La conférence de Madame de Cockborne était donc surtout centrée sur la présentation de ces pensionnaires du fort grâce, entre autres, aux correspondances des capitaines et aux registres de réception dans lesquels ils étaient minutieusement répertoriés avec l’origine de leur corps, leur âge, leur nationalité, leur infirmité, … et même leur nom de guerre ! En voici quelques-uns : « Preste à voir », « Sans chagrin », « La douceur »… Ne nous privons pas de citer deux locaux : Claude Bertaud, dit « Va de bon cœur » de Pernes-les-Fontaines et Jean Joseph Castelgaud, dit « Prêt à boire » de Sainte-Cécile-les Vignes ! A partir de Napoléon, ce sont les invalides de la Grande Armée qui viendront occuper l’Hôtel des Invalides de Paris, où l’empereur distribuera les premières légions d’honneur.
Pour terminer la soirée, quelques questions vinrent compléter ce récit fort documenté, qui fit découvrir, à un auditoire attentif, une utilisation méconnue du fort Saint André.
Si le cycle des Café Mémoire 2013 prenait fin sur cette note historique le rendez-vous fut pris pour 2014 avec d’autres thèmes très variés tels que :
-l’histoire du port de Marseille, La culture de la garance, Les monuments de Velleron, et pour commémorer le centenaire de la grande guerre : L’histoire du XV° Corps.
A très bientôt le plaisir de se retrouver à la deuxième foire d’automne de Velleron qui aura lieu le dimanche 17 novembre 2013
(Notre stand retrouvera sa place dans la cour du Vieil Hôpital, à l’abri, sous le auvent, à côté des Chevaliers de l’Onde) MCB-MK
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