Vendredi 12 avril 2019
53 ème Café Mémoire Les moulins de Velleron et du Vaucluse
Les Meuniers : du blé à la farine
Par Denis BERREUR
Une fois de plus, cette soirée Café Mémoire s’annonçait particulièrement conviviale. Les quelques 80 personnes qui avaient réservé leur plateau-repas arrivèrent dès 19 h : en effet, le rendez-vous avait été fixé un peu plus tôt que d’habitude pour permettre à chacun de découvrir l’exposition de l’association Conservation du Patrimoine de Lambesc qui a redonné vie au moulin à vent de Bertoire, témoignage d’un passé de meunerie.. Les catégories de blé, la meule miniature, la machine à moudre le grain éveillèrent la curiosité et même l’envie pour ceux qui sont en quête de tradition.
Après le repas, les convives ont pris place pour écouter Denis Berreur, ancien meunier, qui allait nous dévoiler toutes les facettes d’un travail remontant à la nuit des temps. Issu de plusieurs générations de meuniers, Monsieur Berreur est « tombé dans la farine » dès son plus jeune âge. S’il a appris les rudiments du métier avec ses parents, il a suivi des études supérieures en meunerie, qui l’ont conduit vers une carrière très riche où il a occupé tous les registres de postes de la meunerie, qu’ils soient du domaine de la fabrication de farine, de la commercialisation et même de la technique avec la transformation des équipements de moulins.A travers l’exposé de ce conférencier très érudit, nous avons donc découvert un métier polyvalent,diversifié et valorisant. Autant dire que pour l’exercer, il en faut des connaissances !
La fabrication de la farine : une tradition millénaire qui fut perpétuée pendant des siècles sans grandes évolutions.
Les moulins, modestes bâtisses artisanales faisaient partie du monde rural. Utilisant l’énergie naturelle, vent ou eau, leur système mécanique entraîne une meule « tournante »au-dessus d’une meule dormante ce qui permettait d’obtenir une « mouture à la grosse », la farine étant mélangée au son. Depuis la disparition des privilèges seigneuriaux, les moulins étaient souvent la propriété de maîtres meuniers (meunier
et meunerie viennent du mot meule). Personnages incontournables dans les villages, ces meuniers n’étaient pas très aimés (la littérature a fait une exception avec le pauvre Maître Cornille qui, dans nos lectures d’enfant, suscita la compassion générale). En effet il sauraient acquis une belle ingéniosité pour ponctionner plus de farine que leur dû ! Une certitude : ils jouissaient d’une autonomie complète, qui avait son corollaire : une immense responsabilité. Il leur revenait la tâche de l’entretien de la machinerie et lorsque survenait une panne,il fallait réparer très vite !
Le bruit était omniprésent dans un moulin : la rotation sourde de la meule, le martèlement saccadé des engrenages, le gémissement des poulies et des courroies. Lorsque la cadence s’accélérait, la poussière de farine risquait de provoquer des explosions. Et si la machine tournait à vide, les meules pouvaient produire des étincelles. Alors, bien que l’imagerie populaire représente parfois un meunier couché en attendant que le travail se fasse, il n’était pas question de s’assoupir. Un système ingénieux de cordelettes actionnait une petite cloche qui signalait au meunier qu’il était temps de remettre du blé dans la trémie,ou d’arrêter le moulin, ou de se réveiller !
Un processus de fabrication, complexe et minutieux, qui s’est perfectionné depuis le XIX ème siècle.
Notre conférencier nous a décrit les étapes de la fabrication de la farine,chacune d’elles étant répétée plusieurs fois
– le lavage du grain,
– le broyage,
– le blutage (séparation de la farine du son),
– les tamisages successifs.
Selon les mélanges de céréales, le degré du tamisage, on peut obtenir une grande variété de farines et let ravail doit s’adapter en fonction des farines souhaitées.
La livraison de la farine fut longtemps assurée par les meuniers eux-mêmes.
Des moulins aux minoteries.
Peu à peu la meunerie s’est transformée en véritable industrie, ponctuée par de véritables révolutions :
– L’énergie électrique a complété et même remplacé la force hydraulique.
– Les convertisseurs (cylindres en acier cannelé) se substituent aux meules pour le broyage, entraînant une augmentation de la productivité.
– Les plansichters (appareil équipés d’une très grande quantité de tamis superposés) remplacent les bluteries.
On est entré dans l’ère de l’automatisation complète. Les appareils, complètement fermés évitent les pertes de farine et sont entièrement automatisés ; ainsi, les produits sont orientés vers un écrasement et un tamisage spécifiques.
La production s’est concentrée dans de vastes usines, les minoteries, parfois installées sur les lieux même des anciens moulins reconvertis. Évidemment ce qui a considérablement réduit le nombre de moulins, qui ne sont plus que 350 en France aujourd’hui (alors qu’ils étaient au nombre de 40 000 en 1900, 100 000 en1800 !) Heureusement, des moulins restent encore dans notre paysage provençal, même s’ils ne sont plus en activité.
Le mot minoterie provient de « minot » qui désigne une ancienne mesure de capacité du blé, puis le baril pour le transport de la farine, enfin la farine elle-même.
Les minoteries du Vaucluse.
Elles sont au nombre de trois :
– les Moulins Soufflet du Thor (anciennement Minoterie Giraud),
– la Minoterie Tarascon de Saint Saturnin lès Avignon
– la Minoterie Giral d’Orange.
Ces trois minoteries font des farines d’excellentes qualités, selon Monsieur Berreur.
Justement, savons-nous choisir notre farine et la conserver ?
La législation impose, depuis 1963, la classification des farines selon leur critère de pureté (c’est-à-dire le taux de cendre qui reste quand on passe 5 gr de farine dans un four à 900°). La plus pure, la plus blanche est la farine Type 45 pour la pâtisserie, la plus courante étant la farine type 55. L’inscription figure sur les paquets.
Ce critère de pureté n’a rien à voir avec la qualité de la farine. Ce qui fait la différence ,ce sont les variétés de blé utilisées qui contiennent des qualités de protéines différentes.
Comment mettre sa farine à l’abri des parasites comme la pyrale ou mite de farine ?
Nous pensons tous qu’un bocal en verre fera l’affaire. eh bien, nous avons tort ! car il reste de l’air dans le bocal. Suivons donc le conseil de Monsieur Berreur qui nous invite, après utilisation,à bien refermer le paquet, sans laisser d’air et à le poser la tête en bas !
Le plaisir visible que Monsieur Berreur avait pris à transmettre ses connaissances traduisait l’immense passion qu’il a pour son métier. Ce plaisir était partagé par l’auditoire qui le remercia par des applaudissements nourris.
A la suite de cette conférence, nul doute que chacun aura envie de visiter le moulin à vent de Bertoire à Lambesc.
L’association CPL nous y invite en ces termes :
Dansons meunières et meuniers
Notre moulin est ravivé
D’un bonnet nous l’avons coiffé
Et ses ailes sont déployées.
Au prochain café mémoire, Bernard Mondon nous parlera des cigales.
Une autre belle soirée en perspective, le jour de la fête de la musique. Les cigales en seront enchantées !